Importation de véhicules en Algérie : Ce qu’il faut savoir

La décision du Président de la République de libérer l’importation des véhicules de moins de 3 ans par les citoyens et les neufs par les constructeurs automobiles a permis, de nouveau, l’espoir d’un retour progressif à une situation de normalité dans un secteur en pleine décomposition.

C’est le soulagement dans les chaumières, et un éclaircissement nécessaire pour les professionnels en attente depuis plusieurs années de mesures concrètes pour la relance de cette activité. Encore une fois, l’orientation principale du gouvernement pour ce secteur est entérinée, en l’occurrence, le développement d’une véritable industrie automobile en Algérie.

En attendant l’aboutissement des négociations avec les constructeurs mondiaux intéressés par un investissement sérieux et conforme aux conditions de montée en cadence du taux d’intégration, deux dispositions ont été décidées dimanche dernier en Conseil des ministres. La première se rapporte aux véhicules d’occasion et la seconde conférant l’exclusivité de l’importation du neuf par les constructeurs inscrits dans une perspective industrielle.

 Le long processus pour le véhicule neuf

Si la première est susceptible de connaitre une application effective à brève échéance, la seconde reste tributaire de tout un processus à plusieurs étapes, depuis l’agrément de la candidature d’investissement, jusqu’à la mise en production des modèles destinés au marché local, en passant par l’installation, la mise en place des structures de commercialisation et de service après-vente,  la préparation des domiciliations bancaires, l’importation des prototypes pour homologation, les commandes, le transport et tutti quanti…

Autant dire que l’arrivée des premiers véhicules neufs importés par les constructeurs ne saurait se réaliser avant le second trimestre 2023.

La cote de l’occasion en Europe en constante évolution

Quant à la décision d’autoriser le véhicule de moins de 3 ans, elle semble s’apparenter à une disposition alternative destinée à atténuer un tant soit peu la tension sur le marché de l’automobile en Algérie.

Néanmoins, cette mesure, du reste salutaire, intervient dans une conjoncture particulièrement difficile pour l’industrie automobile mondiale lourdement impactée, d’abord, par la pandémie du Covid-19 avec ses pénuries de composants et autres semi-conducteurs, ensuite, par la crise en Ukraine et ses effets dévastateurs sur la chaine de fabrication et d’approvisionnement des usines automobiles.

Aussi, la pénurie de véhicules neufs et les délais de livraison de plus en plus longs, atteignant pour certains modèles, les 12 mois, ont contraint les clients, notamment européens, de se rabattre sur le véhicule d’occasion dont la cote a subitement connu des pics rivalisant avec les prix du neuf. En plus, il est enregistré une raréfaction inédite sur le marché de l’occasion qui ne favorise nullement la quête des potentiels clients algériens.

Il eut été plus avantageux d’étendre cette disposition aux véhicules de moins de 5 ans.

Vers une flambée de la devise

Le financement des opérations d’importation par les particuliers passe pour le moment par le canal unique du marché informel de la devise dont le taux de change ne connaît que des fluctuations à la hausse. Et même si le dinar a été sensiblement apprécié au niveau du taux officiel, il n’en pas le cas sur les places fortes des monnaies étrangères dans le pays.

Il est ainsi attendu qu’un recours massif à ce marché, entrainera inévitablement une hausse du taux de change, actuellement à 213, qui pourrait attendre, à terme, les 250%. Un véhicule de 2019, d’entrée de gamme dépasserait à son arrivée en Algérie, les 3 000 000 de dinars, soit le prix d’un véhicule neuf proposé par des concessionnaires du Moyen Orient.

Les contraintes de l’Euro 6

L’importation des moins de 3 ans signifie, par ailleurs, que ces véhicules destinés initialement aux marchés européens, sont équipés de motorisations conformes aux normes Euro 6 avec des équipements de dépollution qui résistent mal à la qualité du carburant distribué en Algérie et aussi aux conditions de roulage locales. S’il est vrai qu’il s’agit de véhicules encore couverts par la garantie constructeur, ce dernier ne serait, sans doute pas enclin à accorder une extension à un marché où il est encore question des normes, dépassées depuis longtemps, de l’Euro 2 et l’Euro 3.

D’autant que les services après-vente de la plupart des marques, ont été complètement déstructurés depuis la pseudo stratégie industrielle de Bouchouareb et que les frais de réparation de ce type d’équipement coute actuellement une fortune.

Réhabiliter les circuits familiaux traditionnels

Dans l’attente des modalités d’application de cette mesure, signalons néanmoins, que dans le cadre de la loi de finance 2020, et conformément à son article 110 portant autorisation d’importation des véhicules de moins de 3 ans, il était stipulé que le financement de cette opération doit être effectuée par débit d’un compte devises, ouvert en Algérie. Au-delà de la complexité de l’opération, s’agissant notamment d’acquisition auprès de particuliers, cette obligation fait l’impasse sur une pratique traditionnelle, typiquement algérienne, celle de déléguer l’accomplissement de l’ensemble du processus, financement, prospection, achat et expédition de la voiture, à des membres de la famille installés de l’autre côté de la Méditerranée. Surtout que les coûts de voyage sont exorbitants et que la délivrance des visas relève de l’improbable.

Diversifier les sources d’approvisionnement

Il est également souhaitable que les textes d’application ne limiteraient pas les possibilités d’achat à une seule région du monde ou aux seuls pays européens. Il est aujourd’hui certain que de meilleures occasions seront disponibles en Asie ou au Moyen Orient et à des niveaux de prix nettement plus accessibles. L’exemple des pays du Golf est édifiant à ce sujet avec une gamme variée de véhicules toutes catégories et marques confondues, ce qui contraste nettement avec les marchés européens où des réseaux organisés se préparaient depuis 2020 déjà, à cette juteuse opportunité. Des parcs de véhicules ont même été constitués dans le sud de la France et n’attendent que le feu vert des autorités.

Mieux vaut attendre le neuf

Ceci étant, ces décisions ont, pour l’heure, suscité des réactions en chaine sur les réseaux sociaux. Les uns expriment leur satisfaction de voir, enfin, le marché automobile algérien reprendre des couleurs, alors que d’autres estiment que les moins de 3 ans serait une aubaine pour les revendeurs européens, mais une perte d’argent pour le citoyen qui devrait plutôt patienter jusqu’à l’arrivée des véhicules neufs importés avec de la devise au taux officiel et plus avantageux que celle acquise sur le marché informel. Les prix de vente connaitront, ainsi, une baisse sensible par rapport à la folie que l’on connait actuellement et que le client au revenu moyen, pourrait enfin, accéder raisonnablement à ce moyen de mobilité, qui est loin d’être un luxe..

B.Bellil

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