Industrie automobile : Quelles perspectives pour l’activité SKD/CKD ?
Après une période de remous à répétition causés à chaque fois par des déclarations polémistes de l’ancien ministre de l’Industrie, le secteur automobile est désormais plongé dans une léthargie inhabituelle et annonciatrice de lendemains incertains.
Si du côté du nouveau responsable de ce département, en l’occurrence Mohamed Bacha, le temps est à l’expectative et à l’évaluation de l’état des lieux, on relève, en revanche, une relance des débats autour de certains aspects réglementaires contenus dans le dernier cahier des charges relatif notamment à la fabrication.
La question des sites qui étaient en activité dans l’assemblage SKD est de nouveau à l’ordre du jour. Est-il judicieux de laisser en jachère des investissements importants consentis conformément à un canevas et une démarche industrielle aujourd’hui remis en cause ? Doit-on tourner définitivement la page sur une expérience et une expertise dans l’une des étapes menant vers l’émergence d’une véritable industrie automobile nationale ? L’Algérie a-t-elle besoin d’une énième refondation de ses stratégies industrielles et des textes y afférents au risque de faire fuir les rares investisseurs étrangers potentiellement intéressés par le marché algérien ? Autant de questions que se posent, citoyens, observateurs et opérateurs et que justifie, du reste, la situation de blocage inédite de ce secteur.
Le temps des relocalisations
La publication du nouveau cahier des charges réglementant l’activité industrielle en août 2020, et ses exigences difficilement réalisables en ces temps de crise économique, aggravée par une pandémie planétaire, ont plombé les perspectives d’investissement. Les groupes mondiaux sont, aujourd’hui, dans une démarche de relocalisation des activités de montage pour faire face aux énormes déficits enregistrés dans leurs bilans financiers, voire même de la fermeture et la cession définitive de sites de production causant la perte de milliers de postes d’emploi à travers plusieurs régions dans le monde. Certains ont recentré leurs énergies sur des activités stratégiques au détriment de certaines branches, pourtant au cœur du métier de l’automobile, comme la fonderie particulièrement, alors que d’autres ont opté pour la mutualisation des compétences et des expertises, dans le cadre des politiques d’alliance de plus en plus en vigueur.
C’est dire qu’espérer voir les constructeurs internationaux se bousculer au portillon serait, en l’état actuel des choses, une simple vue de l’esprit, loin, très loin de la réalité vécue actuellement par l’industrie automobile mondiale. C’est même l’expression d’un échec programmé et, du reste, les velléités d’investir annoncées en grande pompe n’ont guère dépassé le stade d’intention fortement polluée par l’instabilité des textes et un environnement peu favorable aux affaires.
Des milliers de kits bloqués dans les ports
Des voix se sont élevées, ces derniers temps, pour inviter le nouveau ministre à tenir compte de ces données et reconsidérer les conditions pour l’exercice de cette activité. Certes, des projets existants font l’objet de saisie ou de poursuites par la justice, d’autres, cependant, n’ont pas été inquiétés et méritent, de ce fait, un réexamen de leur situation. D’autant qu’ils étaient inscrits dans une perspective d’évolution imminente vers des phases supérieures de production avec des taux d’intégration substantiels et un recours ascendant à des fournisseurs locaux de pièces et divers composants.
À cela s’ajoute une disposition réglementaire dans le nouveau cahier des charges, autorisant les sites déjà existants à continuer à exercer dans l’activité SKD, comme étape provisoire à leur mise en conformité avec le règlement, tout en s’acquittant des droits et taxes. Une disposition qui reste, toutefois, tributaire de la publication de textes d’application.
On rappellera, par ailleurs, que ces mêmes unités disposent de milliers de kits bloqués dans les ports depuis trois années, malgré les déclarations officielles de l’ancien ministre annonçant leur libération au début de l’année 2020.
En tout état de cause, la reprise de l’activité d’assemblage SKD/CKD demeure, pour l’heure, l’une des voies à étudier pour remettre de l’ordre dans ce secteur longtemps gangréné par l’enrichissement facile et rapide et la poursuite du chemin vers le développement serein d’une filière mécanique nationale.
Cela permettra surtout de pallier l’absence des grandes marques dans l’activité des concessionnaires, réservée exclusivement aux opérateurs nationaux et qui promet, selon la configuration, prévisible et non encore rendue publique, une régression dans la qualité des prestations mais aussi des produits qui seront proposés dans les showrooms.
B.B